Le monde est fatigué, Joseph Incardona : Mon avis
Le pitch ?
Êve est sirène professionnelle. Accompagnée de sa queue en silicone, elle voyage aux quatre coins de la planète pour assouvir les rêves de ses clients fortunés. De Paris à Genève, de Dubaï à Tokyo, ses spectacles en apnée dans les bassins des riches propriétaires la maintiennent en vie.
Car derrière le show et les sourires se cache une femme brisée et amputée, au puissant désir de vengeance. Avant Êve, il y avait Nathalie, percutée par un chauffard, et depuis, séparée de ce qu’elle avait de plus précieux.
Mais « dans rêve, il y a Êve », et celui de la sirène ressemble à une revanche…
Les points forts du livre
- une héroïne singulière : privée de ses membres inférieurs, Nathalie s’est réinventée déesse des eaux. Grâce à sa combinaison et ses talents de plongeuse, elle charme petits et grands. En revisitant le mythe de la sirène, Joseph Incardona dépeint une protagoniste désabusée, dépressive et manipulatrice. Une femme aussi séductrice que seule et mystérieuse.
- une âcre rancœur : tel un leitmotiv lancinant, « dans rêve, il y a Êve » rappelle les motivations rancunières de notre héroïne. Roman de la vengeance, Le monde est fatigué décrit la lente éclosion d’un acte ultime. Dans un souffle angoissant, Joseph Incardona déploie un conte fascinant, à la fin vertigineuse. Une apothéose que je n’avais pas devinée.
- un monde en perdition : par le récit des envies extravagantes des clients d’Êve, l’auteur met en lumière la société consumériste et capitaliste dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Un monde fatigué, où l’enrichissement personnel et matériel est plus important que la joie collective et la sauvegarde de la planète. Un monde fatigué, où le pouvoir et les ultra-riches dominent. Ce discours engagé m’a particulièrement marquée.

En bref, une satire intelligente et captivante de notre société matérialiste, à l’univers aussi sombre que fabuleuse.
Mots-clés : sirène, accident, vengeance, voyage, écologie
Une citation : « Ce sont les mêmes rues de centres-villes franchisés, les mêmes touristes en pèlerinage aux points phares du globe, les mêmes objets reçus par la poste TVA incluse, les mêmes phrases de deux cent quatre-vingt caractères pour un tweet, le mépris technocratique de la fin des blocs de pensée conformiste. Le monde est fatigué, Eve, et tes paupières sont lourdes, elles n’en peuvent plus de voir et d’entendre. »
Quelques mots sur l’auteur : Joseph Incardona est un écrivain, scénariste et réalisateur italo-suisse, né à Lausanne en 1969. Son premier ouvrage, Le Cul entre deux chaises, est publié en 2002 aux éditions Delphine Montalant. Paru en août dernier, Le monde est fatigué a remporté le prix Des Deux Magots 2025.
À lire aussi : de sirène, il en est également question dans le roman Une sirène à Paris de Mathias Malzieu, paru en 2019 aux éditions Albin Michel. Un de mes titres préférés de l’écrivain.
_____________
Avez-vous déjà lu cet auteur ?
_____________
