Moi qui n’ai pas connu les hommes, Jacqueline Harpman : Mon avis
Le pitch ?
Quarante femmes, régies par un groupe de gardiens, sont enfermées dans une cage uniquement meublée de quarante matelas. Parmi elles, la narratrice et benjamine de la bande.
Aucune ne se souvient avec précision de leur arrivée ni du motif de leur enfermement. Pourtant, certaines se rappellent la vie d’avant, et acceptent d’en parler à la « petite », qui n’a connu que la cave.
Un jour, alors que la grille est ouverte pour la distribution des repas, une alarme retentit, faisant fuir les surveillants et offrant soudain aux prisonnières l’opportunité de s’échapper…
Les points forts du livre
- une dystopie fascinante : souvent comparé à La servante écarlate, Moi qui n’ai pas connu les hommes raconte l’étrange emprisonnement de quarante femmes, surveillées par des hommes, et qui n’ont d’autres occupations que de s’alimenter, dormir et échanger entre elles. Comme les personnages de Jacqueline Harpman, on ignore les raisons de leur détention, leur passé, leur âge ou les liens qui les unissent. Portée par ce mystère, j’ai été suspendue à l’intrigue et n’ai pu lâcher mon livre.
- une héroïne brillante : curieuse, la narratrice fait face à la méfiance, la jalousie et l’hostilité de ses codétenues. Celle qu’on appelle « la petite » dérange par ses questions. Très vite, l’héroïne déploie quelques talents, prouvant son utilité aux autres femmes. Dans un esprit de troc, les connaissances s’échangent et une entraide se met en place. Jacqueline Harpman déploie une jeune protagoniste discrète, rusée et vive d’esprit.
- un roman qui interpelle : si les questions initiales au récit restent en suspens, le texte de Jacqueline Harpman interroge sur la nature humaine et le sens de la vie. A-t-on besoin des autres pour vivre ? Peut-on se construire sans passé ? Trouve-t-on un intérêt à avancer sans but ? La quête de l’héroïne, solitaire et immatérielle, m’a déroutée.

En bref, une lecture addictive, aussi terrifiante qu’étonnante, percutante, et intelligente. Moi qui n’ai pas connu les hommes est un énorme COUP DE CŒUR, qui marque à jamais ma vie de lectrice.
Mots-clés : femmes, cage, enfermement, gardiens, sororité
Une citation : « Pourquoi s’acharnaient-elles toutes à ne rien dire ? Je tentais de me consoler en me disant que leur secret n’était qu’un secret de polichinelle, puisque chacune le possédait. Était-ce pour lui redonner du lustre qu’elles me le refusaient, pour lui rendre l’éclat d’un trésor admirable qu’elles créaient, en se taisant, une fille qui ne savait pas et qui les regarderait comme les dépositaires d’une merveille, ne me maintenaient-elles dans l’ignorance que pour feindre de n’être pas tout à fait démunies ? »
Quelques mots sur l’autrice : Jacqueline Harpman est une écrivaine et psychanalyste belge, née en 1929 et décédée en 2012. Moi qui n’ai pas connu les hommes est publié pour la première fois en 1995 aux éditions Stock, et édité de nouveau en 2025, suite au succès du livre sur les réseaux sociaux. Son roman Orlanda a remporté le prix Médicis en 1996.
À lire aussi : dans Rocky, dernier rivage, l’auteur et compatriote de Jacqueline Harpman, Thomas Gunzig, déploie un huis clos d’anticipation complètement angoissant. Je vous parlais de ma lecture par ici.
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Avez-vous déjà lu cette écrivaine ?
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