Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka : Mon avis
Quatrième de couverture :
Ces Japonaises ont tout abandonné au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis, sur la foi d’un portrait, un inconnu. Celui dont elles ont tant rêvé, qui va tant les décevoir. Chœur vibrant, leurs voix s’élèvent pour raconter l’exil : la nuit de noces, les journées aux champs, la langue revêche, l’humiliation, les joies aussi. Puis le silence de la guerre. Et l’oubli.
S’inspirant d’une vérité historique oubliée, Julie Otsuka signe une plongée dans le destin tragique et bouleversant de ces Japonaises en quête du rêve américain.
Une pour toutes, toutes pour une.
Une fois n’est pas coutume, ce sont les mots d’une lectrice qui m’ont amenée à découvrir la plume de Julie Otsuka. L’enthousiasme de ma copine blogueuse Claire au sujet de Certaines n’avaient jamais vu la mer a rapidement eu raison de moi. Prix Femina étranger en 2012, ce roman paru aux éditions Phébus, est le second de l’écrivaine américaine.
On les appelle les picture bride, mariées de la photo, ces femmes japonaises ayant traversé l’océan au début du XXe siècle pour aller épouser un Américain. Elles ont fui la guerre, la pauvreté et la misère, dans l’espoir d’une vie meilleure aux États-Unis. Dans le seul cliché reçu de leur futur époux, elles ont lu la promesse de jours heureux. A leur arrivée, pour beaucoup, au-delà de la fatigue et la faim, la désillusion prime, en apercevant leur mari…
Oseront-elles repartir ? Avoueront-elles la déception à leur famille restée sur l’autre continent ? Pour toutes ces jeunes femmes, le destin est le même. Un retour en arrière n’est pas envisageable. Il va falloir travailler dur, être conciliante envers leur époux accueillant, et, pour la plupart, fonder une famille.
“Nous avions beau savoir que nous ne le reverrions pas, nous savions que si c’était à refaire nous irions tout de suite, car être avec lui c’était comme être vivante pour la première fois, mais en mieux.”
Julie Otsuka a fait le choix d’une narration particulière pour raconter le sort de ces Japonaises. Ici, aucune héroïne pour porter leur récit. C’est dans le “nous” que se trouve la puissance de ce qu’elles ont vécu. De la traversée en bateau à leurs heures de labeur dans les champs ; de la séparation avec leur proche à l’apprentissage d’une nouvelle langue ; ou encore de l’assurance du rêve américain à la déception et la douleur.
Inspirée par ses racines nippones, l’autrice met en lumière un pan méconnu du Japon. Elle rend hommage à ces épouses effacées, oubliées de l’Histoire, dans un texte d’une rare force. Derrière la peine, Julie Otsuka décrit aussi la résilience, la joie parfois et le bonheur de vivre. Poétique et musical, le récit se lit d’une traite.
Un roman d’une grande beauté et originalité, traduit avec brio par Catherine Chichereau.
A lire aussi : Marie Charrel a récemment exploré le même sujet dans son roman Les mangeurs de nuit, paru aux éditions de L’Observatoire en début d’année. Si le point de départ est identique à celui planté par Julie Otsuka dans son ouvrage, la forme et le fond sont bien différents. Je vous en parlais sur les réseaux, aidée de ma caméra.
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Connaissiez-vous le destin de ces Japonaises durant la Guerre ?
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