Feel good – Thomas Gunzig
Note : 10/10
Quatrième de couverture :
Alice, vendeuse dans un magasin de chaussures, a toujours été marquée par la précarité sociale. Mais elle n’en peut plus de devoir compter chaque centime dépensé et de ne pas pouvoir offrir une vie plus confortable à son fils. L’idée folle germe alors en elle d’enlever un enfant de riches dans une crèche de riches pour exiger une rançon. Malheureusement, tout ne se déroule pas comme prévu et elle se retrouve bientôt avec un bébé que personne ne réclame sur les bras. Tom, écrivain moyen, croise la route d’Alice et son histoire de kidnapping lui donne une idée : il lui propose d’en tirer un roman et de partager les bénéfices. Alice, peu convaincue, lui fait une contre-proposition : sous sa tutelle, elle écrira un feel good selon les recettes qui plaisent aujourd’hui, un best-seller susceptible de se vendre à des centaines de milliers d’exemplaires qui les sortirait définitivement de la misère… Roman en abyme où humour noir et fatalisme côtoient rage de vivre et espoir sans faille, Feel Good ne pouvait porter meilleur titre. Alternant des passages hilarants sur le phénomène littéraire du moment et description lucide de son temps, Gunzig parvient, avec beaucoup d’intelligence, à croiser son roman avec celui de son héroïne, pour mieux s’amuser de la littérature et brosser son époque.
“Ses parents avaient hésité sur le prénom : sa mère aurait voulu Martine mais son père trouvait que “Martine” était le nom d’une héroïne de bande dessinée aimée par les pédophiles parce qu’on voyait souvent apparaître sa culotte blanche sous une jupe courte. Et son père aurait voulu Violette mais sa mère trouvait que dans “Violette” il y avait le mot “viol” et que “c’était quand même quelque chose de violent, un mot comme ça dans un prénom”. Ce fut donc Alice.”
Mon avis :
Lorsque les éditions Au Diable vauvert m’ont proposé Feel Good en service presse, je n’ai pas hésité une seule seconde. Le joli cactus vert de la couverture me narguait depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux. J’avais très envie de découvrir ce qui se cachait derrière. Et puis, avec ce titre provocateur, j’étais persuadée que ça allait piquer !
Alice est perdue. A quarante ans, elle a enchaîné toutes les galères et n’a plus un sou. La seule idée qui lui vient à l’esprit est de kidnapper un enfant pour ensuite demander une rançon. Le problème ? Personne ne s’alerte de la disparition de ce bébé ! Tom de son côté est écrivain depuis vingt ans mais il espère toujours le succès. Alors que sa femme et sa fille viennent de déserter, il croise la route d’Alice qui a une proposition étrange censée les faire devenir riche rapidement…
A l’image de son cactus, Thomas Gunzig pique là où ça fait mal. Véritable satire sociale, Feel Good mélange humour noir, critique de la société actuelle, caricature du monde de l’édition et moqueries en tout genre. Dès les premières lignes du récit, il nous plante le décor. Alice, depuis toute petite, doit se battre pour économiser chaque centime. Le contexte peut prêter à verser une larme, mais c’est en réalité des rires que nous provoque la plume acerbe de Thomas.
L’auteur est provocateur, corrosif et audacieux. Avec ce titre à double sens, il n’hésite pas à plaisanter gentiment sur le monde du livre. Et, même s’il nous arrive de nous demander où il veut en venir, après moult rebondissements, il retombe brillamment sur ses pattes et nous sert un délicieux roman.
Jusqu’où est-on prêt à aller pour gagner de l’argent ? Peut-on survivre encore aujourd’hui dans cette société de consommation ? Derrière un livre drôle et décapant, Thomas Gunzig interroge et balance. Est-on obligé d’écrire un feel good pour faire un “bon livre” ? La réponse est clairement non ! J’ai adoré ces personnages à fleur de peau, dont la folie n’est jamais loin, mais qui sont terriblement humains. Coup de cœur pour ce roman déjanté !