Monument national, Julia Deck : Mon avis

Quatrième de couverture :

Au château, il y a le père, vieux lion du cinéma français et gloire nationale. Il y a la jeune épouse, ancienne Miss Provence-Alpes-Côte d’Azur, entièrement dévouée à sa famille et à la paix dans le monde. Il y a les jumeaux, la demi-sœur. Quant à l’argent, il a été prudemment mis à l’abri sur des comptes offshore. Au château, il y a aussi l’intendante, la nurse, le coach, la cuisinière, le jardinier, le chauffeur. Méfions-nous d’eux. Surtout si l’arrêt mondial du trafic aérien nous tient dangereusement éloignés de nos comptes offshore.

Mon avis :

Voilà un livre dont il me tardait de vous parler ! Vanté par le critique littéraire le plus médiatique de France – François Busnel pour ne pas le nommer – je me ruais chez mon libraire un lendemain de Grande librairie* (êtes-vous aussi sensibles à ses arguments ?). C’est lors d’un aller en TGV Paris-Valence que je dévorais Monument national, cinquième roman de Julia Deck, paru aux éditions de Minuit.

Enfermés dans leur château en bordure de la forêt de Rambouillet, l’acteur star du cinéma français, sa jeune épouse ancienne Miss et leurs enfants s’apprêtent à voir leur monde doré basculer. Cendrine Barou, mère célibataire, caissière au Super U du Blanc-Mesnil, et son fils Marvin, risquent eux aussi de connaître un grand changement. La rencontre de ces deux univers se passera-t-elle sans nuages ?

“Les curieux nous visitent encore de loin en loin. […] Du petit salon, nous les observons se recueillir, échanger sourires et larmes devant la dernière demeure d’une gloire nationale, figure du patrimoine français. Leurs commentaires nous parviennent par le micro de la caméra de surveillance. Tous s’étonnent que notre château soit si mal entretenu. Ils savent pourtant que nous n’avons pas les moyens de tronçonner les ronces, de rafistoler les murs. Les curieux disent encore que nous étions bien chanceux, nous qui avons été élevés ici, c’est un grand malheur de voir ce que nous sommes devenus.”

Jolie satire de notre société actuelle, Monument national se moque des réseaux sociaux, de la célébrité, de ceux qu’on appelle communément les “nouveaux riches”. L’écrivaine oppose l’heureuse famille recomposée, propriétaire d’une immense demeure aux divers employés de maison à Cendrine, Abdul, Aminata ou encore Brahim, dignes représentants de la classe moyenne du 93.

Dans un récit énigmatique, l’autrice se joue de son lecteur jusqu’au point final. Non sans rappeler l’ambiance de Mon mari de Maud Ventura, les faits sont d’abord énoncés sans véritables rebondissements. Les pages défilent, dans l’attente de comprendre le jeu mené par Julia Deck. Roman chorale, elle déploie sa palette de protagonistes, bientôt tous suspects… Dans un huis-clos final, le roman prend finalement des airs d’Agatha Christie, révélant ce que personne n’aurait pu imaginer.

Si j’ai aimé l’écriture ciselée et l’humour jaune distillé dans le texte, si j’ai été touchée par ses héros tantôt victorieux, tantôt malheureux, j’ai surtout adoré l’entourloupe réussie de l’écrivaine. Un coup de maître brillamment exécuté, qui donne envie d’aller farfouiller dans ses précédents écrits. Une très belle découverte qui, selon moi, donnerait une adaptation intéressante au théâtre.

Avez-vous déjà lu Julia Deck ?

*La Grande Librairie, émission de France 5 présentée par François Busnel